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« Ce soir, le CDC [le parti de Weah] a perdu l'élection mais le Liberia a gagné. C'est le temps de l'élégance dans la défaite », a déclaré le président sortant George Weah, dès vendredi soir et sans même attendre la publication des résultats définitifs du second tour de l'élection présidentielle qui l'opposait à Joseph Boakai. « Les résultats annoncés ce soir, bien que non finaux, indiquent que (M.) Boakai a une avance que nous ne pouvons rattraper. J'ai parlé au président élu Joseph Boakai pour le féliciter de sa victoire », a ajouté l'ancienne légende du football mondial.
Les résultats publiés vendredi par la commission électorale, après des votes dans plus de 99 % des bureaux, donnaient 50,89 % au vétéran de la politique Joseph Boakai, 78 ans, et 49,11 % à Weah de vingt ans son cadet.
Au-delà du choix de la personne appelée à diriger ce pays en quête de stabilité après les années de guerre civile et d'épidémie d'Ebola, l'un des enjeux de l'élection était le déroulement pacifique et régulier de l'élection et l'acceptation des résultats, alors que la démocratie est malmenée par une succession de coups d'État en Afrique de l'Ouest. Mathias Hounkpè, politologue et directeur-pays de l'Ifes (Fondation internationale pour les systèmes électoraux) au Mali revient sur les raisons de l'échec de George Weah à la tête du Liberia.
Le Point Afrique : La défaite de George Weah était-elle attendue ?
Mathias Hounkpe : étant donné l'évolution de la situation politique dans les démocraties de l'Afrique de l'Ouest ces dernières années, il faut déjà se réjouir de la concession de la victoire par le président Weah alors même que les résultats définitifs ne sont pas encore annoncés. Mieux, le président Weah vient de renouer avec les exemples du Bénin (avec le président Soglo en 1996), du Ghana (avec le président Mahama en 2016), du Nigeria (avec Jonathan en 2015)… où des présidents sortants ont perdu les élections.
En ce qui concerne la défaite du président Weah, ce n'était pas prévisible à 100 %. Cependant, ceux qui suivent l'évolution de la situation politique au Liberia savaient que les résultats seraient, au minimum, serrés. Donc ce n'est pas vraiment une grande surprise, surtout après les résultats du premier tour qui s'était déjà joué dans un mouchoir de poche (moins de 1 % de différence entre les deux) alors qu'en 2017, le candidat Weah devançait son challenger d'environ au moins 10 % au premier tour.
Comment expliquer l'échec de son mandat alors que son arrivée au pouvoir avait suscité tellement d'espoirs ?
La défaite du président Weah peut s'expliquer principalement par le fait que malheureusement il n'a pas réussi à apporter des solutions aux défis structurels et sérieux auxquels le pays était confronté à son arrivée au pouvoir en 2017. Même s'il a fait des efforts, par exemple, dans le domaine des infrastructures, il n'a pas réussi à convaincre en ce qui concerne la lutte contre la corruption, la mauvaise gouvernance, le chômage, surtout chez les jeunes.

Quels sont les défis qui attendent le prochain président et peut-il réussir là où Weah a échoué ?
M. Boakai, qui sera certainement proclamé président de la République du Liberia dans les jours à venir, va gouverner un pays quasiment divisé en deux. Ceci constitue à mon avis son premier défi le plus important. La Sierra Leone à côté, où les résultats des élections étaient aussi serrés en 2018, a montré lors des élections cette année que ce défi mérite d'être pris très au sérieux.
Le deuxième défi est lié au fait que M. Boakai a été pendant 12 ans (de 2006 à 2018) vice-président du Liberia pendant les deux mandats de Mme la Présidente Johnson Sirleaf. Il est par conséquent important qu'il se donne les moyens de s'attaquer à trouver des solutions nouvelles, voire innovantes. Le bientôt président Boakai aura donc très rapidement besoin de montrer à ses compatriotes qu'il gouvernera autrement (et peut-être aussi qu'il ne consacrera pas du temps à la recherche d'une sorte de vengeance).
Enfin, les défis anciens – la corruption, la mauvaise gouvernance, le chômage des jeunes… – demeurent préoccupants et devraient faire l'objet d'attention particulière de sa part.