Taxe sur les sociétés d’autoroutes : comprendre le bras de fer avec le gouvernement

Au nom de la transition écologique, le gouvernement veut taxer les sociétés d’autoroutes, qui menacent en retour d’augmenter les tarifs des péages. Explications.

Par Nicolas Guarinos

La taxe souhaitée par le gouvernement permettrait de collecter 600 millions d'euros par an.
La taxe souhaitée par le gouvernement permettrait de collecter 600 millions d'euros par an. © MAGALI COHEN / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Temps de lecture : 4 min

Le bras de fer entre le gouvernement et Vinci se poursuit. Le groupe menace d'augmenter de 5 % les tarifs des péages sur les autoroutes dont il est concessionnaire, si une taxe sur les concessions d'autoroute prévue dans le projet de budget 2024 est mise en œuvre.
Cette taxe, au nom de la transition écologique, concerne tout d'abord les sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA), dont Vinci Autoroutes fait partie. Depuis la privatisation des autoroutes en 2006, ces sociétés prennent en charge la construction et l'entretien du réseau à la place de l'État. En contrepartie, elles perçoivent les recettes des péages. Les sociétés exploitant les grands aéroports, comme ADP, sont concernées aussi par cette taxe,

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Concrètement, un taux de 4,6 % sera appliqué « sur la fraction des revenus de ces sociétés excédant 120 millions d'euros ». Ce qui permettrait, selon Bercy, de collecter 600 millions d'euros par an dès 2024. Dont trois quarts viendraient du secteur routier, et un quart de l'aérien. Soit un peu moins de 8 milliards d'euros sur treize ans.
Pour justifier son projet de taxe, le gouvernement avance plusieurs arguments, mais qui sont contestés par Vinci. Passage en revue.

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Les sociétés d'autoroutes réalisent des surprofits

Pour le gouvernement, cette taxe est l'occasion de montrer qu'il s'attaque aux « surprofits » des multinationales. Invité sur LCI le 12 septembre, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, annonçait vouloir « éviter les surprofits qui ont été faits par les sociétés d'autoroutes ».
L'an dernier, Vinci Autoroute a réalisé 2,2 milliards d'euros de bénéfice. Selon une analyse indépendante menée à la demande du Sénat, le montant des dividendes versés par les SCA à leurs actionnaires entre 2022 et 2036, année de fin des concessions, pourrait atteindre 40 milliards d'euros. Dont 32 milliards pour Vinci et Eiffage.
Pour autant, il serait exagéré de parler d'une rentabilité excessive, au moins à l'heure actuelle. Selon un rapport de l'Autorité de régulation des transports, publié en janvier 2023, la rentabilité moyenne des fonds investis par les SCA historiques depuis le début des concessions est de 7,8 %. Un taux en dessous des 8 % prévus au moment de la signature des contrats avec l'État.

Les SCA ont profité d'allègements fiscaux

Le gouvernement invoque aussi la nécessité de « corriger l'effet d'aubaine » dont ces sociétés ont bénéficié. Il s'agit de la suppression de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises, et la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés de 33 % à 25 % au cours du premier quinquennat Macron. Mais dans l'avis qu'il a rendu, le 8 juin, à la demande du gouvernement, le Conseil d'État estime que ces allègements fiscaux sont à considérer non comme un « effet d'aubaine » mais comme des « aléas normaux » de l'exploitation des autoroutes.

La taxe n'affectera pas les tarifs des péages

Le gouvernement l'a répété : la taxe n'affectera pas les usagers des autoroutes. Pourtant, Vinci prévient qu'il devra la compenser par une hausse, qu'il estime à 5 %, des tarifs des péages. Le groupe invoque l'article 32 du cahier des charges : toute taxe spécifique aux SCA doit faire l'objet d'une analyse pour déterminer si elle est de « nature à dégrader l'équilibre financier de la concession ». Dans l'affirmative, « les parties arrêtent, dans les meilleurs délais, les mesures de compensation, notamment tarifaires ».
Et en cas d'une taxe généralisée ? C'est là que réside le stratagème du gouvernement. En étendant la taxe aux aéroports, il espère rendre hors sujet cet article 32. Et donc éviter qu'elle ne se répercute sur les tarifs des péages.
Toutefois, dans son avis du 8 juin, le Conseil d'État appelle le gouvernement à la prudence : « Toute nouvelle contribution qui, sans viser explicitement les sociétés concessionnaires d'autoroutes, aurait pour effet pratique, compte tenu de ses modalités, de peser exclusivement ou quasi exclusivement sur elles pourrait, sous réserve de l'appréciation du juge du contrat, ouvrir un droit à compensation. »
Le PDG de Vinci Autoroutes le sait bien. « Nous irons sur les terrains de la justice administrative, constitutionnelle et conventionnelle européenne », a déclaré Pierre Coppey sur France Info, le 15 novembre. Le gouvernement est prévenu.

Les SCA doivent contribuer à la transition énergétique

La taxe voulue par le gouvernement doit servir à financer le ferroviaire, afin de décarboner les transports. Mais pour le PDG de Vinci Autoroute, cette taxe serait contre-productive. « Même en doublant la part des déplacements qui se font en train, on en aura toujours 80 % qui se feront sur la route », estime Pierre Coppey. D'où la nécessité d'investir dans la décarbonation de l'autoroute, par exemple en déployant des bornes de recharge pour les voitures électriques.
Selon Vinci, la taxe souhaitée par le gouvernement réduira sa capacité à réaliser ces investissements. Car ceux-ci coûtent très cher. Le groupe estime, à travers un rapport du consultant Altermind paru en 2021, entre cinq et six milliards d'euros le coût d'un tronçon-type de 1 000 kilomètres d'une autoroute bas carbone et résiliente. Soit entre 60 et 70 milliards d'euros pour l'ensemble du réseau autoroutier.

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Commentaires (6)

  • BOCITRON

    Etude TRES INCOMPLETE donc peu fiable dans les têtes.

    Arrêtons de dire, d'écrire que les autoroutes ont été "cédées"
    NON !
    il s'agit d'une concession avec des obligations plutôt bien exécutées.
    pour exploiter, entretenir, créer etc.
    contrats mal négociés par des "politiques" plutôt que d'avoir confié cela à des gestionnaires compétents adroits futés.
    Pour une durée déterminée (sur laquelle on revient parfois dans les négociations en cours de route)
    Obligations et retours sont insuffisants. Chez Vinci, on n'est pas fou, et on sait calculer sans I. A. .
    D'autant mieux que l'entreprise effectuant les travaux, c'est aussi Vinci.
    A des tarifs non excessifs (concurrence oblige) mais en sachant qu'au final tout retombe dans la même bourse. Rien à dire à cela, c'est le marché.
    Pour les autres, chacun a sa stratégie.
    Il est certain qu'une exploitation par des organismes d'Etat n'apporterait pas les mêmes bons services.
    Peu importe la gratuité chez les voisins, c'est le contribuable qui paie même si de toute sa vie il n'utilise pas les autoroutes.
    Il existe un réseau routier gratuit, mal entretenu, où la notion de service est absente. Pour être acheminé mieux et plus vite il faut payer.
    Normal ? Sur rail... La multitude des tarifs ne permet pas une vraie comparaison. Plus il y a d'occupants dans la voiture, plus c'est préférable par l'autoroute à moins de prendre le train à 5h ou arriver à 23h55
    (TGV Marseille-Tourcoing) En revanche la durée du voyage est sans égal sinon l'avion... Autre sujet.

  • CLAUDINALBI

    Pdoc91 20-11-2023 • 07h31
    Et même pas si loin, il suffit d'aller en Belgique...

  • neyam

    C'est encore le citoyen qui va être racketter. La transition écologique est encore la bonne excuse. Allez allons tondre les moutons c'est bon pour sauver la planète !
    Bon à 7 mois de JOs, ça sent bien bon le retour des gilets jaunes.