Interview

Le rebond des méningites concerne les adolescents et les jeunes adultes

ENTRETIEN. Les cas de méningites se multiplient depuis la fin de la pandémie. Il faut changer de stratégie vaccinale, alerte un chercheur de l’Institut Pasteur.

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Pour le docteur Samy Taha, de l’unité Infections bactériennes invasives à l’Institut Pasteur et coauteur de l’étude : « il est temps de reconsidérer la stratégie » vaccinale.
Pour le docteur Samy Taha, de l’unité Infections bactériennes invasives à l’Institut Pasteur et coauteur de l’étude : « il est temps de reconsidérer la stratégie » vaccinale. © SHERRY YATES YOUNG/SCIENCE PHOTO / SYO / Science Photo Library via AFP

Temps de lecture : 4 min

C'est un retour inquiétant. Cette année, les méningites à méningocoques frappent fort en France. Elles connaissent même un « rebond sans précédent » selon des résultats publiés dans le Journal of infection and Public Health par une équipe de l'Institut Pasteur. Avec la levée des mesures barrières contre le Covid-19, les bactéries ont recommencé à circuler. Désormais, ce sont les adolescents et les jeunes adultes qui se retrouvent en première ligne, comme jamais auparavant. Explications de ce nouveau phénomène sanitaire avec le Dr Samy Taha, de l'unité Infections bactériennes invasives à l'Institut Pasteur et coauteur de l'étude.

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Le Point : Le rebond des méningites à méningocoques est-il inquiétant ?

Docteur Samy Taha : Oui. Grâce au suivi épidémiologique et aux données du centre national de référence, nous sommes en mesure de dire que la situation est « sans précédent » : 421 cas ont déjà été répertoriés entre janvier et septembre 2023, soit une augmentation de 36 % des cas par rapport à la même période en 2019 où l'on comptait moins de 300 cas. Ces chiffres déjà très élevés nous inquiètent d'autant plus que le pic hivernal n'a même pas encore eu lieu. Nous sommes donc face à une circulation très active et précoce. Or, il ne faut pas perdre de vue que le taux de mortalité de ces méningites provoquées par des bactéries est de 100 % sans prise en charge. Et même en cas de traitement, le taux de mortalité est toujours de 10 %. Il s'agit donc d'une maladie grave, même correctement décelée et traitée par antibiothérapie et éventuellement par corticothérapie. D'où l'importance de la prévention et de la surveillance épidémiologique.

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Quelles sont les hypothèses qui permettent d'expliquer ce rebond ?

L'immunité générale contre la méningite s'est affaiblie. Cette immunité peut être comparée à un maillage protecteur dont les mailles peuvent être resserrées par deux phénomènes : d'une part, la circulation des souches avec un portage des bactéries – sans déclenchement de la maladie – estimé classiquement à environ 10 % de la population générale et, d'autre part, la vaccination. Or, ces deux phénomènes se sont affaissés lors de l'épidémie de Covid-19. La vaccination a diminué de 20 % pendant le premier confinement, tandis que les gestes barrières comme le port du masque ou la distanciation physique sociale ont mis un coup de frein à la transmission des germes respiratoires. Le nombre de cas de méningite à méningocoques a ainsi chuté de plus de 75 % en 2020 et 2021 par rapport à la période pré-pandémique. En 2021, seules 53 méningites à méningocoques avaient été repérées entre janvier et septembre. C'est donc un peu comme si, avec l'épidémie de Covid-19, l'ensemble du système avait été remis à zéro.

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Cette année, ce sont les adolescents et les jeunes adultes qui sont en première ligne. Pourquoi cette tranche d'âge est-elle plus touchée ?

Si toutes les catégories d'âge sont concernées par ces méningites, on sait qu'il existe trois pics d'infections classiques au cours de la vie : avant l'âge d'un an, autour de l'adolescence et après 80 ans. Dans notre étude, il s'avère que les plus touchés par la vague montante de méningites sont les jeunes de 16 à 24 ans. D'une manière générale, cette tranche d'âge constitue le principal réservoir des bactéries responsables de méningites à méningocoques. Alors que le nombre de porteurs sains est estimé à 10 % dans la population générale, ce taux grimpe à 30 % chez les adolescents et jeunes adultes. Ce n'est pas anormal que le rebond se manifeste dans cette classe d'âge. Mais il faut également évoquer une prévention par la vaccination bien moindre que chez les enfants.

Quelles sont les autres particularités notables ?

Il existe douze groupes de méningocoques responsables de méningites. Cette année, nous assistons à une montée en puissance alarmante des groupes W et Y, non couverts par la vaccination actuellement recommandée en France. Cette dernière cible logiquement les groupes B et C, les plus souvent en cause dans les méningites bactériennes avant la période pandémique.

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Ces changements ont-ils des conséquences sur les symptômes de la maladie ?

Les formes classiques de la méningite restent majoritaires. Elles se caractérisent dans un premier temps par de la fièvre, des maux de tête et des vomissements, suivis par une raideur de la nuque et l'apparition d'une éruption cutanée très caractéristique. Cependant, nous constatons une augmentation du nombre de formes atypiques, se manifestant notamment par des douleurs abdominales ou, chez les personnes plus âgées, par des attaques pulmonaires. Cela peut entraîner un retard dans la prise en charge adaptée.

Selon vous, faut-il modifier rapidement les recommandations vaccinales ?

Actuellement, le vaccin contre le groupe C est obligatoire pour les enfants et celui contre le groupe B est simplement recommandé. Il existe un vaccin tétravalent – protégeant contre les groupes A, C, W et Y – déjà autorisé à la commercialisation en France. Il est temps de reconsidérer la stratégie en l'incluant dans de nouvelles recommandations et en élargissant la campagne de vaccination aux adolescents. Le sujet est inscrit au planning de travail de la Haute Autorité de santé pour le premier trimestre 2024.

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