Warren Zaïre-Emery, le nouveau diamant du football français

L'équipe de France s'apprête à jouer deux matchs (le 18 novembre à Nice face à Gibraltar et le 21 novembre à Athènes en Grèce) sans grand intérêt. Les Bleus sont déjà qualifiés pour le prochain Euro de foot, qui aura lieu du 14 juin au 14 juillet 2024 en Allemagne. Il leur faut seulement une victoire sur l'un des deux matchs pour s'assurer une place de tête de série.

La véritable attraction de ce rassemblement est à chercher du côté des nouveaux appelés par Didier Deschamps. Le 9 novembre, il a sélectionné pour la première fois Warren Zaïre-Emery. Hier, « DD » a confirmé que le milieu de terrain du PSG, nouvelle coqueluche du football français, va devenir à 17 ans, 8 mois et 10 jours le plus jeune international français depuis plus d'un siècle.

« On n'est pas sérieux, quand on a dix-sept ans… » Zaïre-Emery, que l'on surnomme « WZE », dément le célèbre vers d'Arthur Rimbaud. Il n'y avait qu'à le voir, jeudi, pour la première conférence de presse de sa carrière, face à un parterre de journalistes qu'on a déjà vu, il est vrai, plus piquants dans cet exercice. « Médiatiquement, il y en a un peu beaucoup autour de moi, et c'est flatteur, débute le natif de Montreuil. Cette première conférence de presse ne m'inquiétait pas particulièrement. Je prends ça comme un exercice de l'oral du bac ! J'espère que j'aurai au moins 10. »

Bac STMG et Euro 2024 dans le viseur

Eh oui, car en plus d'être titulaire dans le meilleur club de Ligue 1 – le PSG –, de jouer la Ligue des champions, d'être appelé pour la première fois en Bleus et d'être aussi à l'aise devant les micros qu'avec des crampons aux pieds, « WZE » est un élève de terminale qui prépare un bac STMG (sciences et technologies du management et de la gestion). « J'ai eu 10 à l'oral du bac français et 12 à l'écrit. À moins que ce soit l'inverse. Je ne sais plus », précise-t-il.

Zaïre-Emery évolue au poste de milieu de terrain devant la défense. Un poste que l'on qualifie de « sentinelle », qui requiert une maturité dans le jeu et un sang-froid à toute épreuve. Pour ça, on peut lui faire confiance. Il fallait le voir contre le Borussia Dortmund ou lors du match aller contre l'AC Milan, cette saison en Ligue des champions, évoluer en patron de l'entrejeu, distribuant les coups d'épaule et perforant de ses ballons les défenses adverses. Arsène Wenger, l'illustre ancien entraîneur français d'Arsenal, est déjà fan du gamin : « Il a quelque chose de la puissance de Paul Pogba, mais aussi des points communs avec N'Golo Kanté dans cette aptitude à récupérer les ballons. Zaïre-Emery est un peu un mix des deux, un combiné des deux champions du monde 2018, avec sa faculté à gagner les duels sans commettre de faute et à se projeter vers l'avant en faisant apprécier sa belle vision de jeu. […] Il a un petit truc de Patrick [Vieira] aussi… » Rien que ça.

À LIRE AUSSI Comment les jeunes joueurs français sont devenus l'attraction du football mondialWZE tape dans ses premiers ballons à quatre ans et demi, dans le club d'Aubervilliers où le papa, Franck, est éducateur. Ce dernier répète à l'envi que son fils n'avait pas le droit de jouer tant qu'il ne savait pas faire ses lacets lui-même. L'anecdote fait sourire. Elle participe aussi à la construction d'une sorte de bulle, un cocon médiatique que sa famille a bien fait de mettre en place pour protéger le jeune prodige d'un monde du foot qui ne fait plus de cadeaux depuis longtemps. D'ailleurs, n'essayez pas de faire une demande d'entretien au service communication de son club, vos mails resteraient sans réponse (pour le moment ?).

De Zaïre-Emery, on ne sait en réalité pas grand-chose, sauf qu'il est né le 8 mars 2006 et que « dès qu'[il a] du temps, [il] essaye d'alterner les entraînements l'après-midi et les cours avant la séance ». Car, comme il l'explique lui-même, « si je rentre chez moi et que je ne fais rien, que je joue à la console ou que je passe du temps dehors, je ne pense pas que ça soit mieux pour moi ». Messages reçus par ses anciens coéquipiers au PSG, Marco Verratti ou Neymar.

Conseillé par Jorge Mendes

À 8 ans, WZE s'engage avec le PSG et quitte le domicile familial pour le centre de formation du club, sis à Saint-Germain-en-Laye, de l'autre côté de Paris. Il signe un premier contrat pro de trois ans avec le club de la capitale le 15 juillet 2022, négocié par l'agent le plus puissant de la planète, le Portugais Jorge Mendes. Le 6 août 2022, il frôle pour la première fois une pelouse de Ligue 1 lors de la victoire 5 buts à 0 du PSG face à Clermont et devient à cette occasion le plus jeune joueur de l'histoire du PSG. Son entraîneur de l'époque, Christophe Galtier, est bluffé par la précocité de son milieu de terrain : « Il a toujours les yeux grands ouverts pour observer, les oreilles bien propres pour écouter, la bouche bien fermée, car à son âge on travaille. Ça te saute aux yeux. Il a les codes », explique-t-il à L'Équipe.

Depuis, il enchaîne les records de précocité : plus jeune titulaire de l'histoire du PSG en championnat (le 15 janvier 2023), plus jeune buteur de l'histoire du PSG en Ligue 1 (le 1^er février), plus jeune joueur de l'histoire de la Ligue des champions à commencer un match à élimination directe (le 14 février 2023).

Mais, parce qu'il y a un « mais », avec ce premier appel chez les Bleus, WZE va franchir une nouvelle étape qui n'est pas sans risque. L'engouement derrière l'équipe de France dépasse largement celui qui entoure le Paris Saint-Germain. Cette machine à créer des stars peut aussi se transformer en essoreuse médiatique. Prenez Kylian Mbappé, champion du monde avec les Bleus à 19 ans seulement (en 2018) et superstar du foot mondial. Son pénalty manqué face à la Suisse, en huitième de finale de l'Euro 2021, avait suscité des critiques qui avaient laissé des traces. L'attaquant s'en était ému à l'époque et avait d'ailleurs ouvertement critiqué une Fédération française de football coupable à ses yeux de ne pas l'avoir suffisamment défendu.

« N'en faites pas trop avec Warren »

Qu'en sera-t-il samedi 18 ou mardi 21, si WZE marque contre son camp, prend un carton rouge ou, tout simplement, rate ses débuts en Bleus ? S'il est difficile de jouer les oracles, Didier Deschamps, lui, cherche d'ores et déjà à protéger sa nouvelle vedette. En conférence de presse, DD a sorti les crocs : « N'en faites pas trop avec Warren. Laissez-le tranquille. S'il est mis en lumière, c'est au détriment d'autres milieux de terrain, qui sont là depuis plus longtemps que lui et qui, eux, ont fait des choses. » Pourtant peu prolixe et adepte du parler pour ne rien dire, pour une fois, Deschamps parle et c'est très intéressant : « Vous aimez bien déclasser les joueurs. Vous voyez Warren déjà titulaire. Or, c'est déjà bien qu'il soit là avec nous. Je ne vais pas le traiter différemment des autres. Il y a quand même quelque chose à prendre en compte et je ne sais pas si c'est audible : le poids du maillot de l'équipe de France. Il y a des exigences particulières quand même. Qu'il s'agisse d'un joueur de 17 ans ou de 32, le principe est toujours le même : prendre confiance, se libérer, faire le mieux possible à titre individuel et pour l'équipe… Ensuite, la lumière est beaucoup plus forte quand tu joues en équipe de France. Et ça, il faut l'appréhender. »

À LIRE AUSSI Football : il faut laisser Warren Zaïre-Emery tranquilleOn l'oublierait presque, peut-être parce que sa valeur est déjà estimée entre 50 et 100 millions d'euros, mais Warren Zaïre-Emery n'a pour l'instant joué que 37 matchs professionnels avec le Paris Saint-Germain. Il y en a en tout cas un qui ne l'oublie pas, c'est l'intéressé lui-même : « Quand on est jeune, on est insouciant dans ce qu'on fait. Je joue mon football comme on me l'a appris. Et je me donne toujours à fond. Toujours. C'est quelque chose que je garderai au quotidien. » Non, vraiment, on peut être très sérieux, quand on n'a que dix-sept ans.